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wolof mandinka

La lessive des jeunes filles

La lessive des jeunes filles

Un conte un conte!
Un conte agréable.

Un grand groupe de jeunes femmes se rendit vers un bras de mer pour laver ensemble du linge sale. L'une d'elles était restée derrière et devait les rejoindre plus tard. Ses amies laissèrent pour elle des feuilles vertes sur leur passage afin qu'elle puisse les retrouver. C'est comme ça que font habituellement les gens de chez nous pour se repérer. Mais ce jour là les génie ont déplacé les feuilles que les filles avaient disposées sur le chemin et les ont dirigées vers leur propre chemin.

Quand la jeune femme arriva chez les génies, ils lui proposèrent de lui tatouer les gencives *. La fille répondit qu'elle n'osait pas le faire et ils lui firent croire que toutes ses amies qui étaient passées avant elle l'avaient fait. Elle accepta finalement leur offre mais quand ils eurent terminé il lui dirent: "A partir de maintenant, si tu souris à quelqu'un, tu perdras la vie." Alors elle se rendit vers le point d'eau pour rejoindre les autres filles et laver son linge. Elles ont lavé le linge, lavé le linge, lavé le linge... Elles ont lavé tous leurs pagnes et les ont étendus pour les faire sécher. C'était une centaine de femmes qui avaient travaillé ensemble. Quand elles eurent terminé, elles partirent chercher leur "parrain". Dans les villages mandingues, les groupes de jeunes d'un même âge choisissent un homme et une femme pour être leur guide et les conseiller. C'est comme pour Diéré à Kéra Kunda, il est le parrain de mes jeunes filles... C'est ce parrain qui vient prendre leur pagne lorsqu'elles sont à la rivière et celle d'entre elles qui ne chante pas et ne rit pas ne recevra jamais ses affaires en retour.

Ce jour-là, leur parrain qui s'appelait Sara Sonti est venu les retrouver près du bras de mer et les filles lui dirent: "Ca y est, nous avons étendu tous nos pagnes. Celle qui ne chantera pas et ne sourira pas, tu ne lui donnera pas son pagne." Elles poursuivirent: "Depuis que notre amie est arrivée, elle n'a pas souri une fille et tant qu'elle ne sourira pas, tu ne lui rendra pas son pagne!" Le parrain a pris tous les pagnes puis une jeune fille s'avança et se mit à chanter: "Sonti donne-moi mon pagne. Sonti donne-moi mon pagne. Sara Sonti donne-moi mon pagne." Sara Sonti répondit: "Mmhmm... souris-moi, souris-moi. Je n'ai pas pris ton sourire!" En face de lui, la fille lui offrit un joli sourire et le parrain lui remit ses affaires. Une autre fille imita la première et chanta:
Sonti donne-moi mon pagne. Sonti donne-moi mon pagne.
Sara Sonti donne-moi mon pagne.
Mmhmm. Souris-moi, souris-moi.
Je n'ai pas pris ton sourire.

Elle aussi put récupérer son pagne. Il fit ainsi le tour du groupe, faisant chanter les filles une à une jusqu'à ce qu'une dizaine, une vingtaine et finalement une centaine d'entre elles ait souri. Elles reprirent toutes leur pagne jusqu'à ce qu'il ne reste plus que deux filles. Notre jeune fille se mit alors à pleurer. L'avant-dernière s'avança et chanta à son tour pour récupérer son pagne. Toujours en pleurs, la dernière qui ne pouvait montrer ses dents entreprit de chanter: "Sonti donne-moi mon pagne. Sonti donne-moi mon pagne." Sonti répondit: "Mmhmm... souris-moi, souris-moi. Je n'ai pas pris ton sourire." La fille ne sourit toujours pas et les autres s'écrièrent: "Elle n'a pas souri! Elle n'a pas souri! Ne lui rendra pas son pagne." La fille chanta encore mais ne sourit pas. Sara Sonti lui dit: "Tu n'as toujours pas souri." Il dit au reste du groupe: "Partez. Si elle refuse de sourire, je ne lui rendrai pas ce qui lui appartient." La jeune fille reprit encore sa chanson et finit par montrer ses dents. Elle tomba et mourut sur le coup. Sara Sonti resta figé sur place. Celles qui étaient encore là coururent chercher les habitants du village qui vinrent prendre la fille. Sara Sonti resta sur place. Il resta debout là-bas et ne bougea plus. Les gros troncs noirs que l'on trouve partout dans les forêt de Casamance, c'est Sara Sonti qui est encore là debout.

*Pour beaucoup d'ethnies africaines, cette pratique réservée aux femmes qui deviennent adultes est à à la fois un signe de régénérescence et une marque de beauté. Le fait de colorer les gencives en noir rend le sourire plus éclatant et séduisant. Le rituel étant douloureux, la femme qui accepte de le faire doit faire preuve de courage.


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